A Mayotte, les promesses en trompe-l’œil des « décasages » des bidonvilles

Roter.Teufel

Sub-Administrador
Team GForum
Entrou
Out 5, 2021
Mensagens
23,241
Gostos Recebidos
946
A Mayotte, les promesses en trompe-l’œil des « décasages » des bidonvilles

e0d30bc_1682566933807-mfache-26042023-le-monde-mayotte-04.jpg


Le gouvernement a promis la destruction de 1 000 maisons en tôle en deux mois, mais les opérations se heurtent à l’absence de solutions de relogement adaptées.

A Grande Comore, Zainaba Abdou ne vivait pas dans une maison en tôle. Mais, employée dans un petit restaurant, elle arrivait péniblement à réunir 50 euros par mois. Alors en 2016, à l’âge de 21 ans, elle a rejoint Mayotte et la commune de Chirongui, au sud de l’île de Grande-Terre. Là-bas, elle a pu multiplier par quatre son salaire comme femme de ménage chez des particuliers. Mais dans le 101e département français, où 40 % des habitations sont indignes, elle a aussi rejoint une maison en tôle.

Aujourd’hui, le bidonville du quartier de Mramadoudou, où elle vivait, a été rasé et recouvert par des plantations de manioc. Fin novembre 2021, Zainaba Abdou, son fils et la nièce qu’elle élève – aujourd’hui âgés de 6 et 4 ans – ont été expulsés, comme tous les autres occupants, au cours d’un des « décasages » dont l’Etat revendique aujourd’hui la montée en puissance. Dans le cadre de l’opération « Wuambushu », le ministre de l’intérieur, Gérald Darmanin, a annoncé que « 1 000 bangas [maisons de tôle] » seraient détruits « dans les deux mois », contre près de 500 sur toute l’année 2022 et 1 650 en 2021.

Une promesse qui suscite l’inquiétude des habitants de ces bidonvilles ainsi que des nombreuses associations qui les défendent. Leur crainte : que des solutions de relogement adaptées ne suivent pas. Le 27 février, le tribunal administratif de Mayotte a d’ailleurs suspendu la destruction des maisons de vingt familles du bidonville de Talus 2, dans la commune de Koungou, faute d’offres concrètes – ce qui a ensuite amené le tribunal judiciaire à suspendre l’opération dans sa globalité la veille de son lancement, le 25 avril. Jeudi 27 avril, une nouvelle requête, portée par dix-neuf autres familles de Talus 2 – des Comoriens et des Français –, devait être examinée par le tribunal administratif de Mayotte.

Ces procédures montrent les limites de la politique de lutte contre l’habitat insalubre à Mayotte. Fin 2021, Zainaba Abdou s’était vu proposer un relogement pour six mois, à Kangani, à une quarantaine de kilomètres de chez elle, au nord de Grande-Terre. « Je n’avais pas d’autre choix [que d’accepter], dit-elle. Je ne peux pas finir à la rue. »

Les difficultés sont vite apparues. Dans un département où il manque 850 classes supplémentaires en primaire (d’après un rapport de la Cour des comptes de juin 2022), il n’y avait pas de place à l’école de Kangani pour le fils de Zainaba Abdou. Pour ne pas le déscolariser, elle s’est mise à faire des allers-retours entre Chirongui et Kangani. « Je venais la semaine et je dormais à droite, à gauche. Parfois, je confiais mon fils à un ami et le vendredi, je le récupérais. Mais le trajet me coûtait 16 euros par semaine. » Et, en dehors d’une aide alimentaire mensuelle de 75 euros, la jeune femme, qui avait perdu son emploi de femme de ménage, ne percevait plus de ressources.

Le Monde
 
Topo