Emeutes urbaines : « Rendre le vote obligatoire pour réveiller le cœur de la France »

Roter.Teufel

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Emeutes urbaines : « Rendre le vote obligatoire pour réveiller le cœur de la France »

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Pour Azouz Begag, auteur du « Gone du Chaâba », les jeunes émeutiers n’ont « plus rien à perdre » et leurs parents sont « dépassés ». L’ancien ministre à la promotion de l’égalité des chances (2005-2007) préconise le vote obligatoire pour sortir des crises permanentes.


Azouz Begag a été ministre délégué à la promotion de l’égalité des chances, dans le gouvernement de Dominique de Villepin, de 2005 à 2007. Ex-chercheur et sociologue, il continue d’écrire.

Personne ne peut s’adresser à ces jeunes. Ils ne reconnaissent aucun leader. Ils ont plus l’habitude de rencontrer des dealers que des leaders. Le maire, l’imam, ils n’écoutent personne. Le professeur, quand ils l’aiment bien, ils disent qu’ils restent dans la classe par politesse. Ils sont en roue libre. Même les parents sont dépassés. Les enfants n’ont plus de filtre. Ils se retrouvent en opposition frontale avec la police.

Dans nos bidonvilles, dans les années 1960, on n’avait pas d’électricité, pas de télévision, juste le téléphone arabe. Les maîtresses écrivaient en rouge sur nos carnets « mauvaise conduite ». Nos pères n’avaient jamais lu [la psychanalyste] Françoise Dolto ou [l’autrice à succès de livres de puériculture] Laurence Pernoud, ils réglaient ça à coups de ceinture. Ils avaient peur de nous voir dériver. Les enseignants et les parents étaient quand même en contact. Avec l’aggravation de leur condition sociale et économique, les parents ont perdu en légitimité dans le regard de leurs enfants.

Méfiance envers la police, émeutes, les crises se répètent sans cesse…

C’est une histoire mécanique. Même cause, même effet. Comme si le corps social réagissait aux mêmes ingrédients. Quand ils attaquent les pompiers, ils veulent laisser brûler le feu de la colère. C’est de l’ordre du rite sacrificiel. Les rodéos, les incendies, les attaques, les jeunes mettent leurs vies en jeu. Parce qu’ils n’ont rien à perdre. Ils n’ont rien. Ils ne voient aucun intérêt à respecter l’autorité d’un policier. L’autorité est un terme qui n’a plus de sens pour eux.
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Les émeutes de 1990, dans l’agglomération lyonnaise, sont à l’origine de la politique de la ville. Qu’est-ce qui n’a pas fonctionné ?

On a beaucoup pensé à la restauration du bâti, à la rénovation des bâtiments pourris, puis on a construit des bâtiments plus petits, plus vivables, comme à La Duchère [à Lyon], à Vaulx-en-Velin [Rhône]. Malgré tout, les phénomènes sociaux ont perduré. On doit bien reconnaître que le bâti n’a pas tellement d’influence sur le vivant. Entre les murs, les sentiments et les émotions sont toujours là. Ce que nous disent les événements d’aujourd’hui, c’est l’histoire d’une sédimentation des rancœurs depuis cinquante ans. C’est de l’énergie fossile qui remonte à la surface. On perce, et ça s’enflamme. Le volcan se rallume, la source des rancœurs s’est amplifiée, elle est toujours là.

Le Monde
 
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