Le juge d’instruction lyonnais, la fourrière et l’outrage aux policiers municipaux

Roter.Teufel

Sub-Administrador
Team GForum
Entrou
Out 5, 2021
Mensagens
23,241
Gostos Recebidos
946
Le juge d’instruction lyonnais, la fourrière et l’outrage aux policiers municipaux

bc6315e_1665731596868-000-8w92m2.jpg

Après une sanction disciplinaire du Conseil supérieur de la magistrature, Draguicha Rakic comparaissait à Chambéry à la suite d’une altercation verbale avec les forces de l’ordre.

Il a jugé des centaines de délits dans sa carrière. Mais cette fois c’est lui, Draguicha Rakic, 59 ans, magistrat, costume gris et chemise blanche, qui se retrouve sur le banc des prévenus au tribunal correctionnel de Chambéry, jeudi 13 octobre, jugé pour « outrage à une personne dépositaire de l’autorité publique ». Agrippé à la barre, le magistrat est persuadé d’une instrumentalisation, qui viserait à neutraliser son profil atypique et contestataire. « Cela entraîne des conséquences qu’on ne comprend pas encore », dit-il solennellement à ses collègues.

Le soir du 3 avril 2019, M. Rakic, juge d’instruction en poste à Lyon, se gare le temps d’un dîner, devant une sortie de garage. Sa voiture est embarquée à la fourrière municipale. Il appelle la permanence de nuit de la police nationale et se rend sur place, en exhibant sa carte professionnelle. Il exige des policiers municipaux la restitution de sa voiture, sous peine de « sanctions ». « Ce jour-là, j’ai été humilié, je me suis senti rabaissé », témoigne un fonctionnaire concerné, qui a entendu le juge dire : « On est la cinquième puissance mondiale, on se croirait en Afrique ou en Asie ici. » « On était complètement perdus par ses propos, on était incapables de gérer cette situation », ajoute son collègue, confirmant des formules blessantes, dont celle-ci : « Vous êtes un policier mal intégré… » « … Mal intégré dans le système juridique dans lequel vous évoluez », tient à compléter Draguicha Rakic lors de l’audience.

Au procès dépaysé en Savoie, le magistrat lyonnais continue de penser que sa carte professionnelle devait lui ouvrir les portes de la fourrière. N’est-il pas stipulé, au dos du document, que tout agent doit « assurer la libre circulation du titulaire pour les besoins du service et dans l’exercice de ses fonctions ». Le juge devait piloter le lendemain une vague d’interpellations, dans un dossier de trafic de dopants dans le sport, avec une centaine de gendarmes mobilisés. Selon lui, des notes restaient dans sa voiture, et il devait rentrer chez lui. « Cette carte peut être montrée pour les nécessités du service. Si cette carte ne veut plus rien dire, je veux bien la rendre. Je l’ai montrée deux fois en trente-deux ans de carrière », soutient-il.
« Montée en épingle »

Le prévenu dément farouchement les propos à la limite du racisme. « Je suis absolument désolé s’ils ont considéré que je leur ai manqué de respect. Je m’appelle Draguicha Rakic, moi aussi je suis issu de la deuxième génération de l’immigration », dit-il. Ses parents – mère grecque, père serbe, réfugié en France dans les années 1960 – lui ont légué un caractère entier, « allergique à l’injustice » selon ses confidences en marge de l’audience. A 15 ans, le jeune Rakic voit Le Juge Fayard (1977) au cinéma, incarné par Patrick Dewaere. Il fait des études de droit et se jure de devenir juge d’instruction, à l’image du juge François Renaud qui a inspiré le film, magistrat inclassable et flamboyant, assassiné à Lyon en 1975.


Le Monde
 
Topo