- Entrou
- Out 5, 2021
- Mensagens
- 49,451
- Gostos Recebidos
- 1,367
Ligue 1 : pour les Girondins de Bordeaux, un dimanche de campagne déjà décisif
Derniers du championnat, les Bordelais reçoivent Metz (19e) dans un match qui ressemble déjà un peu à celui de la dernière chance, pour ce monument en péril du football français.
Alain Giresse est formel. En seize ans de carrière de footballeur à Bordeaux, il a certes connu la lutte pour le maintien, exhume même un déplacement tendu à Lyon en 1976, mais il « n’a jamais été dernier après trente journées ». Bonnet d’âne de la Ligue 1, les Girondins accueillent le FC Metz, avant-dernier du championnat, dimanche 10 avril, à 13 heures. Le meneur de jeu aux 592 matchs avec le maillot au scapulaire y va de son conseil, direct et pragmatique. « Dans ce genre de situation, il ne faut pas être beau mais efficace », prévient cette incarnation, pourtant, du beau jeu à la française.
A Bordeaux, l’heure est grave. Assez pour voir, vendredi, le maire, Pierre Hurmic, s’inviter dans les vestiaires des Girondins, à deux jours de ce choc des mal-classés pour un entraînement en condition de match, au Matmut Atlantique. Devant les joueurs, l’édile écologiste file la comparaison avec son élection surprise, en juin 2020, contre les sondages et contre soixante-treize ans de règne de la droite, quand il tractait lui-même jusqu’à la dernière minute place de la Victoire.
Malgré une passion toute modérée pour le football, M. Hurmic a assuré de sa présence au stade en ce jour de premier tour de l’élection présidentielle. « Je sais que, pour beaucoup de Bordelais, ça compte, donc ça doit compter pour moi aussi », dit-il. Après tout, les Girondins et leurs six titres de champions de France constituent aussi le « patrimoine de la ville » et le maire en appelle à la fierté et à la combativité de la part d’un effectif hétéroclite, composé d’une quinzaine de nationalités, avec son lot de joueurs prêtés.
A 36 ans, Jimmy Briand n’a pas pour projet de découvrir tout de suite la Ligue 2. « On a conscience de l’importance de ce match, assure l’attaquant. On a assez de joueurs d’expérience et on est très soudés. Dans une opération de maintien, il faut que tout le monde le soit. » Certains en doutent encore et citent l’improbable défaite (0-2) à onze contre neuf Montpellierains pendant presque une heure, le 20 mars.
Pis, ce jour-là, le gardien Benoît Costil termine la mi-temps tête contre tête avec le porte-parole des Ultramarines, Florian Brunet, qui l’accuse, lui et le défenseur Laurent Koscielny, de racisme. « On a simplement été des lanceurs d’alerte, des gens sont venus nous voir et nous ont dit qu’ils avaient été témoins de propos scandaleux, d’un autre temps », avance au Monde la figure médiatique du principal groupe de supporteurs du club. Benoît Costil, lui, nie les faits et a annoncé sur ses réseaux sociaux vouloir lancer « les procédures judiciaires adaptées, afin de faire toute la lumière sur cette affaire et les mobiles de leurs auteurs ».
Oasis au milieu du désert
Malgré le soutien du vestiaire, le gardien international a laissé sa place à Gaëtan Poussin lors de la dernière journée de championnat. A Lille, les Bordelais ont réalisé un exploit, à leur échelle, de la saison, avec un premier match sans but encaissé (0-0). Pas de quoi ouvrir dans l’immédiat son meilleur Château Lafite, mais ce point pris – face à l’ancien club du président des Girondins Gérard Lopez – tient lieu d’oasis au milieu d’un désert de résultats. « De l’extérieur, ce résultat peut paraître anecdotique, mais les joueurs se sont débloqués. Ils ont compris l’urgence de la situation, là où il fallait aller », espère le directeur général, Thomas Jacquemier.
Mais comment Bordeaux en est-il arrivé à une situation aussi périlleuse ? François Grenet pointe le déclin sur la fin des années M6, propriétaire des Girondins de 1999 à 2018. « Dans la crise d’aujourd’hui, il y a ces quelques années d’inertie, quand l’actionnaire principal n’avait pas suivi l’évolution du football, observe l’ancien défenseur, champion de France en 1999. Mais vendre le club 100 millions d’euros aux Américains, c’était hallucinant, presque inespéré. »
A l’image d’Alain Giresse, beaucoup tapent aujourd’hui sur ces « américains », à savoir les fonds King Street et GACP, dont le passage est jugé catastrophique, tant sur les plans sportif et économique que sur l’image. « Bordeaux, ce n’est pas une reprise, c’est une opération de sauvetage », assurait au Monde Gérard Lopez, avant de racheter le club, en juillet 2021.
Malgré des résultats catastrophiques et une erreur de casting sur le premier entraîneur qu’il a choisi (l’ancien sélectionneur suisse Vladimir Petkovic, remplacé par David Guion, en février), l’homme d’affaires hispano-luxembourgeois reste épargné par la vindicte populaire. Comme immunisé par son image de sauveur supposé d’une institution menacée de relégation administrative en Ligue 2. « Lopez est un charmeur. Il a retourné le cerveau du maire, de Florian Brunet, des journalistes », avance un observateur historique des Girondins.
A la différence de son prédécesseur, le plus froid Frédéric Longuépée, installé par King Street, Lopez a surtout compris le poids des groupes de supporteurs, des symboles et de la communication, entre retour au logo historique Girondins de Bordeaux, maillot collector édité pour les 140 ans du club et le relais de certains influenceurs. Le plus connu, Diabate33, très présent sur Twitter, est même plus ou moins à l’origine de l’arrivée de M. Lopez, à travers des échanges sur WhatsApp, dès mai 2021.
Circonstances atténuantes
Franck (qui ne souhaite pas donner son nom de famille) trouve aujourd’hui des circonstances atténuantes à son champion. « Gérard Lopez est arrivé tard dans la saison, fin juillet. Le groupe avait bien avancé dans sa préparation avant son arrivée et l’équipe avait déjà flirté avec la relégation l’an dernier… Le nouvel actionnaire a fait son maximum, ça aurait été compliqué de faire mieux. Les résultats se sont mal enchaînés, le groupe a énormément perdu confiance. »
En interne, on entame la complainte du mal-classé avec des matchs imperdables mais perdus quand même, un arbitrage forcément défavorable ou encore un mois de janvier à caracoler en tête du championnat de France des tests positifs au SARS-CoV-2. Mais, promis, le groupe vivrait bien désormais, comme unifié par les galères et avec un Laurent Koscielny (plus gros salaire de l’effectif) orienté, depuis janvier, vers un poste d’ambassadeur aux contours très flous.
« A notre arrivée, on a trouvé un vestiaire un peu froid, on va dire. Ce n’est plus le cas aujourd’hui, même si ça ne se voit pas trop au niveau des résultats », admet le directeur sportif portugais, Admar Lopes. Reste ce match de la peur, dimanche, et ses conséquences en cas de défaite pour un club très endetté. La messe pourrait même être dite.
« Il n’y a pas de modèle, il n’y a pas de vie en Ligue 2 », admettait Thomas Jacquemier, en janvier. Ancien directeur financier du Paris-Saint-Germain, l’actuel dirigeant bordelais connaît la versatilité du football. Quand une action change parfois le destin d’un club. « En 2008, Amara Diané marque à Sochaux et évite au PSG de descendre. Sans ce but, il n’y aurait peut-être pas eu l’arrivée des Qataris, pas de Neymar, ni de Messi. Ce que l’on sait moins, c’est que, le lendemain matin, Diané vient nous demander son transfert pour les Emirats, où on lui offre un pont d’or. On me parle d’amour du maillot. Oui, mais ça ne suffit pas. Moi, je signe tout de suite pour avoir un Amara Diané bordelais dimanche. » Les Girondins trouveront-ils leur Amara Diané, dimanche soir ?
Le Monde

Derniers du championnat, les Bordelais reçoivent Metz (19e) dans un match qui ressemble déjà un peu à celui de la dernière chance, pour ce monument en péril du football français.
Alain Giresse est formel. En seize ans de carrière de footballeur à Bordeaux, il a certes connu la lutte pour le maintien, exhume même un déplacement tendu à Lyon en 1976, mais il « n’a jamais été dernier après trente journées ». Bonnet d’âne de la Ligue 1, les Girondins accueillent le FC Metz, avant-dernier du championnat, dimanche 10 avril, à 13 heures. Le meneur de jeu aux 592 matchs avec le maillot au scapulaire y va de son conseil, direct et pragmatique. « Dans ce genre de situation, il ne faut pas être beau mais efficace », prévient cette incarnation, pourtant, du beau jeu à la française.
A Bordeaux, l’heure est grave. Assez pour voir, vendredi, le maire, Pierre Hurmic, s’inviter dans les vestiaires des Girondins, à deux jours de ce choc des mal-classés pour un entraînement en condition de match, au Matmut Atlantique. Devant les joueurs, l’édile écologiste file la comparaison avec son élection surprise, en juin 2020, contre les sondages et contre soixante-treize ans de règne de la droite, quand il tractait lui-même jusqu’à la dernière minute place de la Victoire.
Malgré une passion toute modérée pour le football, M. Hurmic a assuré de sa présence au stade en ce jour de premier tour de l’élection présidentielle. « Je sais que, pour beaucoup de Bordelais, ça compte, donc ça doit compter pour moi aussi », dit-il. Après tout, les Girondins et leurs six titres de champions de France constituent aussi le « patrimoine de la ville » et le maire en appelle à la fierté et à la combativité de la part d’un effectif hétéroclite, composé d’une quinzaine de nationalités, avec son lot de joueurs prêtés.
A 36 ans, Jimmy Briand n’a pas pour projet de découvrir tout de suite la Ligue 2. « On a conscience de l’importance de ce match, assure l’attaquant. On a assez de joueurs d’expérience et on est très soudés. Dans une opération de maintien, il faut que tout le monde le soit. » Certains en doutent encore et citent l’improbable défaite (0-2) à onze contre neuf Montpellierains pendant presque une heure, le 20 mars.
Pis, ce jour-là, le gardien Benoît Costil termine la mi-temps tête contre tête avec le porte-parole des Ultramarines, Florian Brunet, qui l’accuse, lui et le défenseur Laurent Koscielny, de racisme. « On a simplement été des lanceurs d’alerte, des gens sont venus nous voir et nous ont dit qu’ils avaient été témoins de propos scandaleux, d’un autre temps », avance au Monde la figure médiatique du principal groupe de supporteurs du club. Benoît Costil, lui, nie les faits et a annoncé sur ses réseaux sociaux vouloir lancer « les procédures judiciaires adaptées, afin de faire toute la lumière sur cette affaire et les mobiles de leurs auteurs ».
Oasis au milieu du désert
Malgré le soutien du vestiaire, le gardien international a laissé sa place à Gaëtan Poussin lors de la dernière journée de championnat. A Lille, les Bordelais ont réalisé un exploit, à leur échelle, de la saison, avec un premier match sans but encaissé (0-0). Pas de quoi ouvrir dans l’immédiat son meilleur Château Lafite, mais ce point pris – face à l’ancien club du président des Girondins Gérard Lopez – tient lieu d’oasis au milieu d’un désert de résultats. « De l’extérieur, ce résultat peut paraître anecdotique, mais les joueurs se sont débloqués. Ils ont compris l’urgence de la situation, là où il fallait aller », espère le directeur général, Thomas Jacquemier.
Mais comment Bordeaux en est-il arrivé à une situation aussi périlleuse ? François Grenet pointe le déclin sur la fin des années M6, propriétaire des Girondins de 1999 à 2018. « Dans la crise d’aujourd’hui, il y a ces quelques années d’inertie, quand l’actionnaire principal n’avait pas suivi l’évolution du football, observe l’ancien défenseur, champion de France en 1999. Mais vendre le club 100 millions d’euros aux Américains, c’était hallucinant, presque inespéré. »
A l’image d’Alain Giresse, beaucoup tapent aujourd’hui sur ces « américains », à savoir les fonds King Street et GACP, dont le passage est jugé catastrophique, tant sur les plans sportif et économique que sur l’image. « Bordeaux, ce n’est pas une reprise, c’est une opération de sauvetage », assurait au Monde Gérard Lopez, avant de racheter le club, en juillet 2021.
Malgré des résultats catastrophiques et une erreur de casting sur le premier entraîneur qu’il a choisi (l’ancien sélectionneur suisse Vladimir Petkovic, remplacé par David Guion, en février), l’homme d’affaires hispano-luxembourgeois reste épargné par la vindicte populaire. Comme immunisé par son image de sauveur supposé d’une institution menacée de relégation administrative en Ligue 2. « Lopez est un charmeur. Il a retourné le cerveau du maire, de Florian Brunet, des journalistes », avance un observateur historique des Girondins.
A la différence de son prédécesseur, le plus froid Frédéric Longuépée, installé par King Street, Lopez a surtout compris le poids des groupes de supporteurs, des symboles et de la communication, entre retour au logo historique Girondins de Bordeaux, maillot collector édité pour les 140 ans du club et le relais de certains influenceurs. Le plus connu, Diabate33, très présent sur Twitter, est même plus ou moins à l’origine de l’arrivée de M. Lopez, à travers des échanges sur WhatsApp, dès mai 2021.
Circonstances atténuantes
Franck (qui ne souhaite pas donner son nom de famille) trouve aujourd’hui des circonstances atténuantes à son champion. « Gérard Lopez est arrivé tard dans la saison, fin juillet. Le groupe avait bien avancé dans sa préparation avant son arrivée et l’équipe avait déjà flirté avec la relégation l’an dernier… Le nouvel actionnaire a fait son maximum, ça aurait été compliqué de faire mieux. Les résultats se sont mal enchaînés, le groupe a énormément perdu confiance. »
En interne, on entame la complainte du mal-classé avec des matchs imperdables mais perdus quand même, un arbitrage forcément défavorable ou encore un mois de janvier à caracoler en tête du championnat de France des tests positifs au SARS-CoV-2. Mais, promis, le groupe vivrait bien désormais, comme unifié par les galères et avec un Laurent Koscielny (plus gros salaire de l’effectif) orienté, depuis janvier, vers un poste d’ambassadeur aux contours très flous.
« A notre arrivée, on a trouvé un vestiaire un peu froid, on va dire. Ce n’est plus le cas aujourd’hui, même si ça ne se voit pas trop au niveau des résultats », admet le directeur sportif portugais, Admar Lopes. Reste ce match de la peur, dimanche, et ses conséquences en cas de défaite pour un club très endetté. La messe pourrait même être dite.
« Il n’y a pas de modèle, il n’y a pas de vie en Ligue 2 », admettait Thomas Jacquemier, en janvier. Ancien directeur financier du Paris-Saint-Germain, l’actuel dirigeant bordelais connaît la versatilité du football. Quand une action change parfois le destin d’un club. « En 2008, Amara Diané marque à Sochaux et évite au PSG de descendre. Sans ce but, il n’y aurait peut-être pas eu l’arrivée des Qataris, pas de Neymar, ni de Messi. Ce que l’on sait moins, c’est que, le lendemain matin, Diané vient nous demander son transfert pour les Emirats, où on lui offre un pont d’or. On me parle d’amour du maillot. Oui, mais ça ne suffit pas. Moi, je signe tout de suite pour avoir un Amara Diané bordelais dimanche. » Les Girondins trouveront-ils leur Amara Diané, dimanche soir ?
Le Monde