Ne plus loger les plus précaires dans les quartiers pauvres, une mesure de « mixité sociale à l’envers »

Roter.Teufel

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Ne plus loger les plus précaires dans les quartiers pauvres, une mesure de « mixité sociale à l’envers »

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L’annonce de la première ministre, vendredi, qui concerne les « ménages DALO les plus en difficulté », fait débat. Si certains élus la saluent, des acteurs du secteur estiment que ces familles auront encore plus de mal à se loger et qu’il serait plutôt nécessaire d’obliger les villes à respecter leur quota de logements sociaux.

C’est une mesure choc, qui a pris le monde du logement social et du mal-logement à rebrousse-poil. En clôture du comité interministériel des villes, réuni vendredi 27 octobre à Chanteloup-les-Vignes (Yvelines), Elisabeth Borne a demandé aux préfets de ne plus attribuer de logements sociaux dans les quartiers prioritaires aux ménages les plus en difficulté, afin de favoriser la mixité sociale. Une circulaire en ce sens sera diffusée dans les prochaines semaines. « Toutes les difficultés ne doivent pas être rassemblées au même endroit. La mixité est une chance. Elle est nécessaire », a justifié la première ministre, devant un parterre de maires de banlieue et de représentants d’association.

Ce sont les ménages « DALO » (« droit au logement opposable ») « les plus en difficulté » qui ne devront plus se voir attribuer de logements dans les quartiers prioritaires de la politique de la ville (QPV). L’Etat dispose du droit de choisir les locataires sur 25 % du parc de logements sociaux dans chaque département. Ce « droit de réservation » est théoriquement entièrement destiné aux ménages DALO, des personnes non logées ou mal logées, ou encore en attente d’un appartement HLM depuis un délai « anormalement long », et qui doivent être prioritaires dans l’attribution d’un logement social. Un public qui se voit aujourd’hui quasi mécaniquement relogé dans les QPV, où le parc social, ancien, propose les loyers les moins chers.

La future règle concernant les personnes mal logées, le nouveau ministre du logement, Patrice Vergriete, dit l’avoir soufflée à la cheffe du gouvernement pour ne plus « concentrer la misère ». « Les ménages DALO en emploi ou disposant de revenus supérieurs au smic ne seront pas concernés, mais les 40 % restant, les plus précaires, ne pourront plus être relogés en QPV », détaille le ministre. Ces derniers, assure-t-il, se verront octroyer des logements sociaux en dehors des quartiers prioritaires. Dans le même temps, le gouvernement veut développer dans les QPV des dispositifs de recherche de locataires plus à même de « favoriser la mixité sociale », notamment par le biais d’annonces sur des sites de locations immobilières privées.

« Respect impitoyable de la loi SRU »

« La mixité sociale, c’est de permettre à des pauvres d’habiter dans des quartiers riches. Là, on va interdire aux pauvres d’habiter des quartiers pauvres : c’est aborder la question de la mixité à l’envers », estime René Dutrey, secrétaire général du Haut Comité pour le logement des personnes défavorisées, un organe consultatif placé auprès des services du premier ministre. Ancien adjoint au maire de Paris Bertrand Delanoë (Parti socialiste), M. Dutrey se dit sceptique sur la capacité qu’auront les préfets à imposer les plus précaires en dehors des QPV, alors que 93 000 ménages DALO restent aujourd’hui en attente d’une proposition de logement. Chaque année, sur 35 000 dossiers acceptés au titre du DALO, seuls 21 000 accèdent au logement. A ce titre, l’Etat a été condamné à verser, depuis 2012, 374 millions d’euros d’astreintes et d’indemnités. « On ne fera pas disparaître ces ménages DALO, mais cela se traduira par plus de sans-abrisme ou, sur le sous-marché de la misère, par des squats, des bidonvilles et des logements indécents », prévient René Dutrey.

Le Monde
 
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